Panique… Crack… Cataclysme…. Débâcle…Effondrement…Récession…Crise…Bérézina…
Avoir la peur au ventre, la chair de poule, le sang qui se glace, les cheveux qui se dressent, des sueurs froides… autant de manifestations physiques de la PEUR.
D’après mon expérience, en situation d’urgence (comme lors d’un secours en avalanche), quand on a peur, pour diriger efficacement un groupe, il faut fournir une réponse rapide et faire preuve de lucidité.
Être lucide se dit d’une personne qui juge, voit clairement, objectivement les choses dans leur réalité, qui est conscient et qui a toute sa connaissance (Dictionnaire Larousse). Selon moi, la lucidité est une qualité caractéristique du leadership. Mais cet état n’est pas acquis une fois pour toute. En effet, en fonction de la situation, du contexte…. et des émotions qui en découlent…. il nous arrive de prendre les mauvaises décisions et de perdre notre lucidité. D’autre part, notre capacité de gestion du stress est aussi à prendre en compte. En effet, si je suis un leader lucide, mais que je ne suis jamais exposé à des situations stressantes, il y a de fortes chances que je perde ma lucidité en cas d’urgence.
Que se passe-t-il dans notre tête et notre corps quand on a peur ?
Notre tête réagit au niveau de l’amygdale, centre des émotions de base. Le complexe amygdalien (structure en forme d’amande située dans la partie antérieure du lobe temporal) est directement lié à notre système hormonal et peut submerger le corps d’adrénaline et de cortisol en une seconde. L’objectif : FUIR ou COMBATTRE (Flight or Fight). Cette réaction hormonale (sécrétion de catécholamines) n’est pas agréable et notre corps, en réponse, augmente la fréquence cardiaque, la pression artérielle, le diamètre des pupilles, le taux de glucose et redistribue le sang vers les muscles et le cerveau.
En cas d’URGENCE, il existe deux circuits de la peur au niveau du cerveau :
❶ un circuit long qui passe du thalamus au cortex puis à l’amygdale.
❷ un circuit court qui passe directement du thalamus à l’amygdale.
Dans le circuit long, l’analyse fine par le cortex du stimulus déclencheur de la peur (qu’il soit visuel ou auditif) va maintenir ou freiner l’action de l’amygdale sur les différentes structures responsables de l’expression corporelle de la peur (= accélération du pouls, pâleur, sudation, immobilisation du corps). Le détour par le cortex pour analyse fine, exige plus de temps. La voie longue thalamus- cortex-amygdale assure donc une perception précise du stimulus mais nécessite un prolongement du temps de réaction qui peut être fatal en cas de danger.
Le circuit court thalamus-amygdale est le plus rapide et permet ainsi d’assurer des réactions de survie, de fuite et de défense dans un délai très court au détriment d’informations floues.
Il convient ici de parler du système nerveux autonome (SNA). En effet, il s’agit d’une partie du système nerveux responsable des fonctions non soumises au contrôle volontaire. Il contrôle, par exemple, les muscles cardiaques, les muscles lisses (digestion, vascularisation…), la majorité des glandes exocrines (digestion, sudation…) et certaines glandes endocrines. C’est le SNA qui active les sensations désagréables de la peur.
Attardons-nous sur l’importance du SNA sur le cœur. Les relations entre amygdale et cœur sont nombreuses et sont en lien avec le système nerveux autonome qui gère deux états : ALERTE ou CALME.
Le cœur bat, en fonctionnement de base, à 120 pulsations / minutes (en moyenne). Il s’agit de l’état d’ALERTE. Heureusement et grâce au système nerveux parasympathique, il est ramené à 60 pulsations / minutes (en moyenne) à l’état de CALME. En cas de danger, le frein est relâché par le système sympathique et la fréquence cardiaque augmente très rapidement.
Effet du stress sur notre réaction en situation d’urgence :
Suite aux études de LeDoux dans les années 2000, il est admis que les troubles anxieux seraient liés à l’activation pathologique du circuit court, modelé par l’inné et l’acquis, par la génétique et les échanges avec le monde.
Quelqu’un de « stressé », de part son cadre de vie, son éducation, ou quelqu’un évoluant dans un environnement avec de nombreux « stresseurs » (métiers à risque, métiers exposés à un relationnel compliqué), développerait dans son cerveau un réseau de neurones privilégié entre le thalamus et l’amygdale (sans passer par le cortex).
Prenons l’exemple de Scoubidou : toujours sur le qui-vive, en état d’alerte continu, et évoluant régulièrement dans un environnement mystérieux et incertain, il sur-réagit et finit très souvent dans les bras de Samy. Est-ce l’image que vous vous faites d’un leader ?
En situation d’urgence, la peur de Scoubidou amplifie le décalage entre sa perception de la situation et sa perception de ses ressources… et c’est là que le stress prend racine et détraque ses choix et prises de décisions.
Comment faire pour être lucide en situation d’urgence ?
Je vous présente ici, les 3 outils que j’utilise dans le cadre de la préparation mentale et aussi dans le workshop « secours en avalanche » de brain you up.
OUTIL ① : la PC « flash »
Je recommande la pleine conscience « flash » aux sportifs « Scoubidou » qui sont anxieux, qui peuvent paniquer rapidement ou qui ont déjà fait des crises d’angoisses par exemple. L’objectif est de calmer très rapidement les effets d’une émotion négative comme la peur (mais cela marche aussi très bien avec la colère). Il s’agit d’une régulation émotionnelle pour faire face et ne pas se laisser submerger ou paralyser par ses émotions.
Le processus est le suivant : d’une première réaction sensorielle (oppression, sueur, rythme cardiaque, tremblement, température), l’intellect va souvent « s’emballer » et amplifier notre réaction à la peur. António Damásio nous explique ainsi qu’une émotion est d’abord une sensation corporelle, qui est ensuite interprété par notre mental.
L’objectif de la PC « flash » est de revenir au sensoriel et de ne pas laisser l’intellect se faire des films.
Comment faire ?
Au moment de la difficulté émotionnelle, cinq étapes à suivre :
❶ Je ferme les yeux
❷ J’observe, en pleine conscience, deux sensations corporelles (ex : une sensation au niveau des bras et une sensation au niveau du ventre ou une sensation au niveau de la tête et une sensation au niveau des épaules).
❸ Je laisse évoluer ces sensations. J’accepte que ce soit désagréable.
❹ Quand ces sensations se sont apaisées, j’ouvre les yeux (cela peut prendre de quelques secondes à deux-trois minutes)
❺ J’attends 30 secondes puis je repense à la situation difficile, je referme les yeux pour vérifier si ma PC « flash » a fonctionné. SI c’est le cas, les signes corporels sont absents ou amoindris.
Pour obtenir un bon résultat, il est important d’observer ses sensations en étant détaché, sans trop se focaliser, ni se concentrer.
Cet outil s’inspire de la démarche TIPI de Luc Nicon. Entre 2003 et 2007, il a réalisé une étude portant sur 278 personnes en souffrance émotionnelle. Même si l’échantillon est faible, j’ai pu constater dans mon accompagnement de sportifs que cet outil était souvent efficace.
Dans le monde de l’entreprise, il peut être difficile de réaliser la PC « flash ». En effet, face à une situation critique, devant votre patron ou des clients importants, il peut vous arriver un moment de panique. Vous transpirez, bégayez, sentez votre cœur s’affoler. Si vous ne faites rien, vous allez perdre votre capacité de raisonnement et de concentration très rapidement. Le risque : faire des mauvais choix. Comment réagir ? Il ne faut pas attendre trop longtemps et faire les cinq étapes dès que la difficulté émotionnelle apparaît. Je vous conseille donc de vous excuser puis de rapidement vous isoler… dans votre bureau, dans une pièce à côté, aux toilettes… Au retour, après 3 minutes d’absence, vous pourrez reprendre votre réunion, être efficace et éviter des décisions regrettables. Vous serez lucide.
NB : pour les sportifs qui ne sont pas réceptifs à la PC « flash », je leur conseille de suivre le programme de méditation de Petit Bambou intitulé « Courage et Peur » (programme payant).
OUTIL ② : La crise de calme
En préparation mentale, je travaille aussi sur des exercices simples d’entraînement à la cohérence cardiaque (ECC) que je recommande pour mieux gérer ses pics de stress et ses émotions. La « crise de calme » fait partie des ECC et a été mise en avant dans l’ouvrage « Savoir se relaxer » (Cungi et Limousin, 2006).
Grâce à la crise de calme et au travail sur la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC), on apprend à maintenir la puissance du FREIN pour que le cœur ne s’emballe pas. Concrètement, la VFC correspond à l’intervalle entre deux contractions. Une variabilité élevée indique une bonne capacité immédiate d'adaptation du cœur aux sollicitations, et est ainsi à la fois un signe et un facteur de santé.
Je recommande ainsi de télécharger l’application petit bambou et d’utiliser la séance « crise de calme » qui dure 3 minutes (programme gratuit). L’enchaînement d’une « manœuvre vagale », d’un « focus du cœur » et d’une « évocation agréable » permet de stimuler l’activité parasympathique + neutraliser le SNA + secréter de la dopamine.
Comment faire ?
Réaliser, yeux fermés, la séquence suivante plusieurs fois par jour :
❶ Manœuvre vagale : j’expire profondément, complétement et pleinement - j’inspire sans forcer un peu d’air – je bloque et garde cet air 4 secondes dans les poumons – je relâche.
❷ Focus du cœur : je réalise une PC sur mon cœur. Je suis attentif et focalisé sur ma poitrine.
❸ Évocation agréable : je réalise une imagerie mentale et je visualise un moment, un lieu ou une personne que j’apprécie. Je détaille mentalement cette expérience sur tous les canaux sensoriels : la vision, le toucher, l’ouïe, l’odorat et même le goût. (Par exemple, je peux me remémorer une randonnée. L’évocation agréable est la suivante : je suis au sommet d’une montagne, je sens le vent frais sur mon visage, je suis ébloui et légèrement réchauffé par les rayons du soleil, je détaille le paysage et le ciel dans toutes ces nuances de couleurs, etc…).
Cet outil s’inspire des travaux du programme Heartmath développé en Californie par le docteur Childre et son équipe. Pour l’entraînement, il est conseillé de pratiquer la crise de calme le plus souvent possible, dans les conditions habituelles de la vie, sans prendre pour cela un temps spécifique.
Dans le monde de l’entreprise, c’est votre entraînement régulier qui portera ses fruits lors d’une situation d’urgence. Il est donc important d’avoir un pense-bête pour faire le maximum de crises de calme dans la journée. Post-it sur l’ordinateur, rappel sur le smartphone, petite croix au stylo sur la main… soyez inventifs pour trouver votre pense-bête et vous gagnerez en lucidité.
OUTIL ③ : 365 avec biofeedback
La méthode 365 est la plus connue des outils de la cohérence cardiaque. Elle demande une régularité et une discipline importante.
La cohérence cardiaque est aujourd'hui recommandée par la Fédération française de cardiologie et utilisée par de grands sportifs comme Florent Manaudou. Avec la cohérence cardiaque, je peux influencer ma VFC grâce à ma respiration et je suis capable de mieux gérer un pic de stress en situation d’urgence. Les pilotes de chasse de l’armée française l'ont aussi adoptée et elle est même testée dans les écoles de l’académie de Poitiers depuis 2017.
Un travail rigoureux et régulier de cinq minutes trois fois par jour permet d'avoir des effets bénéfiques assez rapidement sur la gestion des situations urgentes et des émotions.
En respectant un rythme de 10 secondes de respiration (5’ inspir / 5’ expir) pendant 5 minutes et cela, trois fois par jour, on est en mesure d’atteindre cet état d’équilibre de cohérence cardiaque. Les effets sur l'organisme sont très intéressants : Baisse du cortisol, la principale hormone de défense secrétée pendant un stress / Action favorable sur de nombreux neurotransmetteurs (hormones qui véhiculent les émotions) dont la dopamine (plaisir) et la sérotonine (prévention de la dépression et des angoisses) / Amélioration de la concentration et de la mémorisation.
J'ai pu constater des effets bénéfiques à moyen terme sur la capacité d’attention des sportifs mais aussi et surtout des effets directs avec un état d'apaisement et de relaxation directement après avoir pratiquer.
Comment vérifier si cela fonctionne ? Grâce au biofeedback ! Des logiciels permettent de vérifier la VFC du sportif en live. Ainsi, le biofeedback consiste à relier le sportif à un logiciel à l’aide d’un capteur de fréquence cardiaque (auriculaire ou ceinture thoracique). Le retour direct permet de vérifier le temps passé en cohérence cardiaque. L’objectif est de ne privilégier ni le système sympathique (ALERTE = stress) ni le système parasympathique (CALME = endormissement) mais le juste équilibre en cohérence cardiaque.
Comment faire ?
❶ Suivre un rythme respiratoire de 5 secondes d’inspiration et de 5 secondes d’expiration (à l’aide d’un curseur qui monte 5’ et qui descend 5’ sur l’écran d’ordinateur).
❷ Je vérifie grâce au logiciel le temps passé en ALERTE, en cohérence cardiaque et en CALME pendant la séance. L’objectif étant de rester à une fréquence respiratoire de 0.1 Hertz et donc de passer le maximum de temps en cohérence cardiaque.
En complément, si nous sommes régulièrement mis en situation d’urgence avec des stresseurs :
❸ Fermer les yeux, visualiser et évoquer mentalement la situation d’urgence (jusqu’à ressentir les sensations désagréables dans son corps) : peur de se blesser, peur d’abandonner, peur de chuter…
❹ Réaliser une crise de calme (cf. outil n°2) pour voir sa capacité à revenir à un état de cohérence cardiaque même en présence du « stresseur ».
❺ Reconnaître l’importance du problème et le relativiser « Est-ce que cela vaut vraiment la peine que je me stresse autant ? »
Ce qui est intéressant avec ce troisième outil que j’utilise en préparation mentale est :
Voir les effets de l’entraînement et de ses performances en termes de fréquence respiratoire.
Faire une hiérarchie des stresseurs pour le sportif (quel stresseur active le plus mon système sympathique et l’état d’ALERTE ?).
Dans le monde de l’entreprise, je recommande de mettre en place une routine de performance comme un athlète de haut-niveau. Les effets à court-terme d’une séance 365 durent en général 4h. Il est admis qu’une séance le matin, une avant le repas et une en milieu d’après-midi représentent l’organisation la plus efficace. Il convient donc de bloquer dans son emploi du temps, 3 créneaux de 5 minutes dans la journée et de s’y tenir. De plus, il est aussi intéressant, tout comme un sportif, de régulièrement faire une séance avec biofeedback afin de voir sa forme du moment et ses progrès. A la clé, une lucidité accrue sans baisse de régime ni relâchement.
Pour conclure :
Trois pistes de travail que je propose dans mon activité de conseil en intelligence émotionnelle peuvent donc être mises en pratique lors d’une situation urgente pour être lucide malgré la peur :
- Pleine conscience « Flash »
- Crise de calme
- Méthode 365
Si vous êtes intéressé par mes services @brain you up ou si vous voulez en savoir plus sur ma façon de se préparer à un secours en avalanche, je propose une conférence "L'intelligence émotionnelle n'est pas utile. Elle est primordiale !"
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